Project Description

Et si la fin d’un cycle pouvait devenir le début d’un autre ?

Notre projet est né de cette simple question, animé par une conviction profonde : la nature détient déjà les réponses aux grands défis d’aujourd’hui. Dans un monde saturé de matériaux synthétiques et de production centralisée, nous avons choisi de nous tourner vers le vivant, le local et les fils invisibles qui relient toutes choses : le mycélium.

Ce projet est une expérience collective à la croisée du design, de la biologie et de l’économie circulaire. Il réunit quatre entités aux expertises complémentaires : Esser Studio, studio de design textile et initiateur du projet ; échofab, Fab Lab spécialisé dans le design durable ; Mycélium Remédium mycotechnologie, experts en métrologie mycélienne ; et l’acteur clé Ganoderma lucidum, le mycélium lui-même, maître de la décomposition des chaînes carbonées, terraformeur et donc régénérateur de vie.

Ensemble, nous avons imaginé un objet symbolique, un lustre, fabriqué à partir de déchets : chutes de textile, résidus de champignonnières et agrégats minéraux. Grâce à une chaîne de production locale, éthique et distribuée, ce projet prouve qu’il est possible de transformer nos déchets en matériaux précieux et de faire pousser un objet plutôt que de l’extraire ou de le fabriquer. Cet objet est en réalité une capsule de superaliments pour la faune et la flore.

Ce lustre n’est pas seulement un objet : c’est un manifeste. Une preuve tangible qu’il existe une autre façon de produire, une façon qui est belle, biodégradable et profondément enracinée dans le lieu. Nous devons aider la nature afin qu’elle, à son tour, nous aide à reconnecter l’humanité à la biosphère.

Enjeu central

Notre projet se situe à la croisée de quatre enjeux urgents et interdépendants qui appellent une profonde transformation de nos systèmes de production, de consommation, d’habitat et de relation avec le monde vivant. Il apporte une réponse concrète à la gestion des déchets textiles, à la valorisation des flux organiques sous-utilisés, à l’impératif de relocaliser la production dans les environnements urbains afin qu’ils deviennent des écosystèmes plus résilients, et à la nécessité de renouer avec les cycles naturels, en particulier ceux des champignons, ces discrets ingénieurs de la vie.

Premièrement

La question des déchets textiles reste un angle mort dans notre économie linéaire. Dès le début de la découpe industrielle, jusqu’à 15 % des textiles sont perdus sous forme de chutes. Ces fragments, non standardisés, échappent aux filières traditionnelles de recyclage ou de valorisation. À ceux-ci s’ajoutent les textiles en fin de vie, trop abîmés ou usés pour être réutilisés. Le Canada produit à lui seul plus d’un demi-million de tonnes de déchets textiles chaque année, dont moins de 15 % sont valorisés. Ces matériaux, pourtant riches, sont incinérés ou mis en décharge, alors qu’ils pourraient nourrir de nouvelles formes de production locale.

Deuxièmement

les champignonnières, qui produisent une ressource alimentaire précieuse, laissent derrière elles des montagnes de résidus organiques. Pour chaque 250 kilos de champignons récoltés, 1 tonne de substrat mycélien devient un déchet. Certaines fermes génèrent jusqu’à 6 tonnes par semaine de cette matière encore active. Bien que considérés comme « usagés », ces blocs sont souvent compostés. Pourtant, ils offrent une structure malléable et biodégradable, prête pour un nouveau cycle d’utilisation — dans le design, l’architecture et les matériaux durables.

Troisièmement

Notre modèle d’utilisation des sols repose sur un profond déséquilibre : les villes consomment, les zones rurales produisent. Ce modèle extractif, hérité de l’ère industrielle, épuise les environnements ruraux tout en privant les villes de leur capacité créative. Dans l’esprit de Fab City, nous devons rompre cette dépendance. La clé est de repenser notre modèle vers une production localisée et un approvisionnement renouvelé et régénérateur en ressources. Cela signifie concevoir des chaînes de production autonomes et durables, inspirées des écosystèmes naturels. Il ne s’agit pas de tout produire localement, mais de reconnaître que certaines ressources, une fois présentes sur place, doivent être transformées et utilisées in situ. La « localité » devient alors fonctionnelle : ce qui est à proximité doit être activé là où cela est nécessaire, afin de réduire l’empreinte écologique et d’accroître la résilience.

Enfin,

une quatrième question, souvent négligée mais essentielle, concerne notre relation avec les êtres vivants, en particulier les champignons. Il y a des millions d’années, certains champignons ont évolué pour décomposer les chaînes carbonées à la surface de la Terre. Ces lignées sont devenues les grands terraformeurs de nos écosystèmes, régénérant les sols, nourrissant la flore et filtrant les toxines. Mais aujourd’hui, nos environnements urbains leur sont hostiles : le béton, l’asphalte et l’hygiénisme limitent leur action. Chaque espèce fongique a ses propres préférences de croissance, tout comme chaque être humain a ses propres goûts et besoins. Si nous aidons la nature, nous permettons à ces organismes de jouer à nouveau leur rôle régénérateur, offrant aux sols, à la faune et même à nous, les humains, leurs incroyables bienfaits : enzymes, nutriments, purification.

C’est précisément ce que notre projet cherche à démontrer : en fusionnant des déchets textiles avec des substrats mycéliens récupérés localement, nous créons un matériau hybride, biodégradable et malléable, qui permet de fabriquer des objets utiles et esthétiques sans extraire de nouvelles ressources. Cette boucle locale ferme une partie du cycle de production, tout en expérimentant un avenir dans lequel les villes deviennent des usines de matière régénératrice.

Le projet — Une lumière née du vivant

Tout commence par un geste simple : récupérer ce que l’industrie laisse derrière elle. Les résidus des champignonnières, en fin de cycle mais toujours porteurs de vie, et les chutes textiles issues de la production vestimentaire, trop petites pour être réparées, trop précieuses pour être oubliées.

Ces matériaux marginaux sont au cœur de notre projet. Nous avons cherché à leur offrir un dernier souffle, non pas en tant que déchets, mais en tant que ressources. Pour ce faire, nous avons choisi un objet du quotidien, simple mais chargé de sens : le lustre. Il incarne la lumière, le rassemblement, l’attention. Pour nous, il est devenu un manifeste matériel, la preuve tangible qu’une autre façon de produire est non seulement possible, mais nécessaire.

Nous avons imaginé une chaîne de création locale, distribuée et régénératrice, tissée par les forces complémentaires de notre groupe. Notre objectif : aider la nature à remplir sa mission.

Esser Studio

Fondé par la designer Marie-Christine Fortier, Esser Studio est un atelier de design textile basé à Montréal, dédié à la création éthique et durable. Elle est l’initiatrice du projet et la visionnaire derrière le concept du lustre en mycélium. Esser transforme les chutes de ses propres collections en ressources créatives et repousse les limites du design circulaire en intégrant des matériaux vivants dans des objets décoratifs.

échofab

L’atelier de fabrication numérique créé par Communautique échofab est un laboratoire de fabrication numérique pionnier, ancré dans l’innovation sociale et engagé dans la démocratisation de la technologie. Spécialisé dans la conception distribuée et les technologies ouvertes, le fab lab a permis la création de moules à l’aide de l’impression 3D et du thermoformage, en réutilisant les résidus plastiques industriels de la période pandémique pour en faire des outils adaptés à la culture du mycélium. échofab veille également à l’alignement du projet sur les principes de Fab City en matière de production localisée et décentralisée.

éycélium Remédium

Basée à Montréal, Mycélium Remédium Mycotechnologies est un acteur émergent dans le domaine de la biotechnologie fongique. Spécialisée dans la culture et l’application du mycélium, elle fournit des souches fongiques et une expertise technique pour transformer des substrats en objets solides et utilisables. Son rôle est essentiel dans le développement de protocoles pour la culture, la gestion et le séchage du mycélium.

Ganoderma Lucidum

Le mycélium de reishi – Invisible mais fondamental, le mycélium de reishi (Ganoderma lucidum) est le cœur vivant de ce projet. Ce champignon médicinal, réputé pour ses propriétés adaptogènes, forme un réseau dense, solide et résistant. Nourri de substrats organiques, il digère, lie et transforme la matière en structures durables. Le reishi n’est pas seulement un matériau, c’est un allié biologique, une intelligence naturelle au service du design régénératif. Grâce à lui, le lustre prend vie, portant une nouvelle forme de lumière, ancrée dans le vivant.

Ancrée dans l’esprit du laboratoire vivant de Communautique, notre collaboration s’est déroulée à travers l’échange, l’exploration et la co-création. Ensemble, nous avons cultivé un champ expérimental où le mycélium devient un vecteur d’innovation vivante, révélant ce qui peut émerger lorsque les humains et les non-humains se rencontrent pour générer de nouvelles connaissances.

Créer des habitats

Le point de départ de notre approche était une idée simple mais significative : créer un habitat pour le champignon. Esser Studio a imaginé une forme élégante de lustre, un objet du quotidien transformé en symbole de régénération. Son esthétique minimaliste, aux lignes douces et apaisantes, a été conçue pour inspirer la sérénité tout en mettant subtilement en valeur la texture vivante du mycélium.

Cette forme est devenue la base d’un processus de co-création au sein du Fab Lab échofab. À l’aide d’un logiciel de modélisation 3D paramétrique et d’une imprimante 3D, nous avons traduit cette vision artistique en un prototype tangible, prêt à accueillir la vie.

La conception a encore évolué grâce à la participation active des quatre partenaires du projet. Ensemble, nous avons ajusté les dimensions, les ouvertures, les courbes et la structure globale de l’objet afin de répondre aux besoins spécifiques du Ganoderma lucidum, une espèce connue pour ses préférences uniques en matière de vitesse de colonisation, d’adhérence à la surface et de ventilation. Il ne s’agissait plus seulement de concevoir une belle forme, mais de créer un habitat confortable, propice à la croissance, au repos et à la transformation.

Enfin, à l’aide d’une thermoformeuse, nous avons réutilisé les feuilles de PET restantes de la pandémie pour mouler deux structures accueillantes : des abris translucides et protecteurs entièrement fabriqués à partir de matériaux recyclés.

Surveillance du bien être

Mycélium Remédium Mycotechnologies a développé une série de recettes de substrats sur mesure pour accueillir le champignon Reishi dans un environnement adapté à ses préférences : sombre, humide et riche en matières qu’il aime coloniser. Au cœur de ces substrats se trouve une majorité de matières organiques provenant des déchets des champignonnières — des substrats « prédigérés » par d’autres espèces fongiques, riches en cellulose et en lignine, une nourriture idéale pour le Reishi. À cette base, nous avons ajouté

En recréant cet habitat grâce à des techniques de surveillance précises (ajustement de la température, de l’humidité, de la densité du substrat et du temps d’incubation), nous avons permis au reishi non seulement de pousser, mais aussi d’habiter véritablement l’espace et de s’y installer confortablement.

Les recettes

Les recettes sont conçues non seulement pour le bien-être du champignon, mais aussi pour tenir compte des contraintes matérielles de l’objet final. Le mycélium est naturellement très léger et potentiellement inflammable. Pour y remédier, nous avons ajouté des agrégats tels que de la poudre de verre recyclé, qui agit à la fois comme retardateur de flamme et comme équilibreur de poids, ainsi que de la poudre d’argile. Chaque recette devient ainsi un équilibre minutieux entre le soin apporté au vivant et les exigences du design.

Ces exigences de conception nécessitent parfois des tests en laboratoire pour valider les performances du matériau obtenu. Le lustre présenté ici reste un prototype qui n’a pas encore fait l’objet de tests à grande échelle pour confirmer, par exemple, son niveau d’inflammabilité.

Après deux à trois semaines, le champignon a fini de se nourrir. Il entame alors une phase de transition : sans nutriments, il se prépare à changer d’état et à entrer dans la phase de fructification. Cela marque la fin du processus de croissance et le début d’une nouvelle utilisation.

Soins de fin de vie

Dans la nature, le champignon Reishi colonise l’intérieur d’un tronc d’arbre, décomposant lentement le bois pour se nourrir. Une fois rassasié, il atteint l’écorce extérieure. Là, l’environnement change : plus de lumière, des niveaux d’oxygène plus élevés, moins de dioxyde de carbone. Ce déséquilibre gazeux signale au champignon qu’il est temps d’arrêter de chercher de la nourriture et de se préparer à migrer. Mais dans les villes, cette migration est vaine : les spores tombent sur le béton ou sont piégées dans les systèmes de ventilation. C’est pourquoi nous accompagnons le Ganoderma lucidum tout au long de son stade 1. Une fois retiré de son habitat, il forme un manteau protecteur, prêt à fructifier. À ce moment précis, nous le déshydratons à un niveau spécifique. Ainsi s’achève son cycle actif : cette matière autrefois vivante devient une précieuse capsule de superaliment pour la flore et la faune.

Honorer le service rendu

L’objet en mycélium que nous façonnons n’est pas seulement utilitaire, il témoigne d’un service rendu par les êtres vivants. En transformant des déchets oubliés en une nouvelle ressource, le champignon Reishi nous offre un matériau riche, fertile et vivant. Pour honorer cette action, nous appliquons une finition naturelle qui prolonge la durée de vie de cette capsule de superaliment, destinée à l’écosystème.

Nous expérimentons des solutions douces telles que la gomme laque, le latex naturel (que nous espérons obtenir localement à partir d’asclépiades) et des peintures à base de plantes ou des encres à base d’amidon. Chaque objet est une célébration. Un acte sincère de reconnaissance pour cette transformation silencieuse et patiente offerte par la nature.

Les irrégularités laissées par le Ganoderma lucidum deviennent des signatures : marbrures, taches, nuances, motifs organiques. Chaque lustre est unique. Et chaque jour, en le contemplant, nous pouvons dire merci — merci à la nature pour son travail, sa sagesse et pour nous rappeler que nous en faisons partie.

Une fois son cycle terminé, le lustre retourne à la terre. Placé dans un jardin, sur une pelouse, voire sur un sol contaminé, il nourrit les plantes, les insectes et aide à régénérer la terre, permettant ainsi au champignon de remplir pleinement son rôle dans le grand cycle de la vie.

Prochaines étapes

Ce projet de lustre est notre preuve de concept : une démonstration tangible qu’il est possible de créer des objets utiles, beaux et significatifs à partir de matières organiques oubliées, en collaboration avec des organismes vivants tels que les champignons.

Ce premier succès ouvre la voie à des travaux de recherche et développement plus approfondis. La chaîne d’approvisionnement issue du vivant reste sous-estimée, mais elle recèle un immense potentiel. Notre prochaine étape consiste à rationaliser ce processus et à concevoir un système de fabrication flexible et adaptable, adapté à divers flux de ressources dormantes. La nature offre toujours plusieurs solutions à un même défi. Inspirons-nous d’elle pour cartographier et explorer ces matériaux négligés : déchets générés par l’homme, résidus organiques ou déchets existants depuis longtemps qui échappent actuellement aux systèmes de réutilisation, mais qui pourraient nourrir une variété d’espèces fongiques. En cultivant cette diversité, la chaîne de production pourrait contribuer à la fois à la biodiversité et aux besoins fonctionnels.

Nous avons également observé une distance : bien que les gens consomment des champignons, ils entrent rarement en contact avec des organismes vivants et en transformation. L’industrialisation a fait de la standardisation notre norme : des formes lisses, des couleurs uniformes, des textures contrôlées. Une tomate d’un rouge irrégulier devient suspecte, une surface texturée, un défaut. Pourtant, la nature ne se conforme pas à l’uniformité. Elle s’exprime à travers la variation, les irrégularités et les nuances.

Pour y répondre, nous souhaitons démocratiser une relation renouvelée avec la vie et avec ce qui est considéré comme « normal ». Trois voies se dessinent : Enfin, l’utilisation de l’art comme vecteur de transformation, pour changer les perspectives et provoquer une prise de conscience. Grâce à ces gestes, nous espérons semer les graines d’un changement de paradigme, où l’imprévisibilité de la vie devient une beauté, et non une anomalie.

Perspectives & impacts

Action climatique menée par la communauté

Engagement citoyen : Notre projet tisse ensemble les connaissances du vivant et les gestes humains afin d’initier une cohabitation régénératrice entre les citoyens, les matériaux et d’autres formes de vie. Il appelle à un engagement citoyen profond, non seulement entre les humains, mais aussi entre les espèces. Nous avons encore un long chemin à parcourir pour démocratiser la présence d’acteurs non humains dans nos habitats : champignons, bactéries, microfaune. Ce projet propose une rencontre en douceur avec un organisme souvent mal compris : le mycélium. À travers des objets aux formes irrégulières, aux textures surprenantes et aux couleurs non conventionnelles, nous invitons les humains à reconsidérer leur relation avec le vivant dans leur environnement quotidien. Il s’agit de briser la peur culturelle de la vie dans les espaces domestiques et d’apprendre à nouveau à coexister.

Impact sur les politiques et le plaidoyer

En termes de politique publique et de plaidoyer, notre approche s’appuie sur les principes de Fab City : reconnecter la production humaine à la biosphère locale. Ce projet devient un outil de sensibilisation à un changement de paradigme dans le domaine du design, passant d’une logique extractive à une logique régénérative, où chaque objet devient un message de faisabilité, d’inclusivité écologique et d’espoir. Il donne forme à une production localisée, où les données, les matériaux et les utilisations coexistent au rythme de la vie elle-même.

Autonomisation et renforcement des capacités des communautés

Enfin, ce projet contribue à un autre type d’autonomisation des communautés, celle des communautés fongiques et naturelles longtemps marginalisées dans nos systèmes urbains. En leur donnant un espace pour agir – dans nos maisons, nos jardins, nos sols – nous leur permettons de retrouver leur rôle de terraformeurs, de restaurateurs des sols et d’ingénieurs silencieux des écosystèmes. Grâce à leur présence, un vaste réseau souterrain de résilience reprend vie, au service de l’ensemble vivant.

Technologie durable et innovation circulaire

Innovation technologique et conception

Notre projet se situe à la croisée du design, de la biotechnologie douce et de l’écologie appliquée. Il explore le potentiel de la fabrication distribuée grâce à l’utilisation de l’impression 3D, du thermoformage et de la co-culture avec du mycélium. Chaque outil est utilisé non pas pour produire en masse, mais pour s’adapter aux ressources locales, à l’esthétique du vivant et aux besoins du champignon lui-même. Il s’agit d’une forme d’innovation technologique lente, centrée sur l’écoute des matériaux plutôt que sur leur domination.

Circularité et impact régénérateur

En termes de circularité, notre approche est ement ancrée dans la régénération. Nous valorisons deux flux de déchets considérés comme non récupérables : les déchets textiles issus de la découpe des vêtements et les substrats « usagés » des champignonnières. Ces matériaux, réunis en synergie, constituent la base d’un nouveau type de matière vivante, biodégradable et utile. Le mycélium ne se contente pas de « remplacer » le plastique, il active un cycle biologique qui redonne à la matière une fonction écologique. Il ajoute des boucles de vie supplémentaires avant d’atteindre la fin de son utilité.

Évolutivité et praticité

Ce projet repose sur des technologies accessibles (fab labs, équipements low-tech, matériaux recyclés) et sur le savoir-faire existant dans le domaine de la mycologie, qui peut être adapté à d’autres types de déchets et d’espèces fongiques. Le modèle est reproductible par toute communauté urbaine disposant d’une infrastructure de fabrication minimale, d’un accès aux déchets locaux et de champignonnières, partout dans le monde. La partie la plus délicate est le dialogue entre les souches fongiques et les environnements appropriés. Elle nécessite une certaine connaissance du vivant et, surtout, une observation attentive des résultats. Elle propose ainsi une vision pratique et évolutive du design symbiotique, où chaque territoire peut adapter l’objet à ses propres matériaux, contraintes et cultures.

Ce lustre n’est donc pas seulement un objet : c’est une preuve de concept, un manifeste et un outil pédagogique pour imaginer un mode de production où la nature et la culture collaborent.

Écosystèmes régénératifs et biodiversité

Impact écologique positif

Notre projet s’inscrit profondément dans une approche de régénération écologique, en donnant une nouvelle vie à des matériaux considérés comme arrivés en fin de vie. Chaque lustre en mycélium devient une capsule biodégradable qui, après utilisation, peut être placée dans un jardin, un espace vert ou même sur un sol contaminé. Une fois exposée aux éléments, elle se décompose lentement et libère des nutriments bénéfiques pour les micro-organismes, les insectes, les plantes et les champignons locaux, contribuant ainsi activement à la santé des sols et à la biodiversité.

Pratiques régénératrices

Le cycle de production de ce projet ne vise pas seulement à réduire son empreinte écologique, mais aussi à redonner à la nature plus qu’il ne lui prend. En incorporant des déchets textiles, des substrats de champignonnières et des ingrédients naturels mais de seconde main dans nos objets, nous créons des matériaux actifs qui continuent à nourrir les écosystèmes vivants même après la fin de leur utilisation par l’homme.

Gestion écologique

Il s’agit d’une question de responsabilité éthique envers les êtres vivants, en particulier les champignons, qui jouent un rôle crucial dans la résilience des écosystèmes. En créant des « habitats » qui respectent leurs préférences et en mettant en valeur la beauté de leur présence à travers le design, nous réapprenons à collaborer avec la nature, plutôt que de simplement l’exploiter.

Ainsi, notre approche combine un impact écologique positif, des pratiques régénératrices et une prise en charge active des écosystèmes, proposant un modèle où chaque étape, de la conception à la fin de vie, devient un acte de réparation et de gratitude envers le monde naturel.

Conclusion

À travers ce projet, nous avons voulu démontrer qu’un changement de paradigme est non seulement possible, mais qu’il est déjà en cours. En cultivant un objet plutôt qu’en le fabriquant par des moyens traditionnels, nous mettons en lumière une alternative concrète aux modèles extractifs : une approche régénérative ancrée dans la dynamique du vivant. Le lustre en mycélium devient ainsi bien plus qu’un objet : il est le fruit d’une collaboration interespèces, la preuve matérielle que circularité et beauté peuvent coexister, à condition d’écouter et de s’adapter aux rythmes de la nature.

Ce projet nous a également permis de tisser un réseau local de compétences, de matériaux et de connaissances, incarnant les principes d’un design distribué, éthique et durable. Il met en lumière des ressources invisibles – chutes textiles, substrats mycéliens – qui, grâce à une innovation douce et au respect des cycles naturels,

Au-delà de la création d’un objet, nous avons lancé une réflexion : comment donner une place aux organismes non humains dans nos processus de fabrication ? Comment honorer leur travail, leur intelligence et leur potentiel de régénération ? Cette lumière née du vivant illumine un avenir où les humains ne dominent plus, mais cohabitent. Un avenir où chaque objet est une trace de gratitude envers la Terre, et chaque projet un geste de réconciliation avec le monde vivant.

Marie-Christine Fortier
info@esserstudio.com

Geoffroy Renaud
grg@champignons-maison.com

Annie Ferlatte
annie.ferlatte@communautique.quebec